MUSIQUES GUINEENNES

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Il existe malheureusement assez peu d’enregistrement de terrain. Ceci est sans doute dû en partie au fait que de 1958, date de l’indépendance de la Guinée, jusqu’à la mort de Sékou Touré en 1984, le pays a été en grande partie fermé aux Occidentaux. S’il faut compter sur le hasard pour trouver un vinyl comme Musique toma (CNRS/Musée de l’Homme. Vogue LDM 30107), d’autres microsillons de qualité comme Dahomey-Guinée (Vogue MC 20 146), Musique d’Afrique occidentale (Musée de l’Homme. Vogue LDM 30113) consacrés entièrement ou en partie aux musiques guinéennes, ont été réédités (en ce concerne les enregistrements guinéens), avec une plage inédite, dans le CD Guinée. Musique des Malinké (Le Chant du Monde. CNRS/Musée de l’Homme. CNR 2741112). Gilbert Rouget, qui a effectué ces enregistrements en 1952, a réalisé un livret très fourni qui décrit les différentes formations musicales et donne les textes des chants. Une bibliographie et une étude sur les accords des instruments complètent la documentation. Les huit premières plages sont interprétées par les griots (djèli). On peut entendre diverses sortes de harpes à chevalet comme la kora ou le soron, qui ont respectivement vingt-et-une et dix-neuf cordes, ou comme le bolon, dont les trois cordes sont fixées sur un chevalet-cordier, ainsi que des xylophones et un chœur féminin. Viennent ensuite quatre plages consacrées aux confréries de chasseurs accompagnées par une autre harpe à chevalet (à six cordes) le donso kônu (analogue au donso ngoni des confréries du Wassoulou malien) ou encore par un luth à quatre cordes, le kônu (analogue au ngoni bambara). Les neuf dernières plages présentent la musique paysanne, chants de circoncisions, tambours d’eau joués par les femmes. Ces enregistrements nous plongent au cœur même des villages malinké de l’est guinéen et constituent sans aucun doute la première acquisition à faire si l’on veut découvrir ces musiques. Le livre de Sory Camara : Gens de la parole. Essai sur la condition et le rôle des griots dans la société malinké (Editions Karthala, Paris, 1992), peut être un utile complément à cette écoute.
Guinée. Les Nyamakala du Fouta Djalou (Buda records 92530-2) présente la musique des hommes castés, qui se différencient des griots en Guinée par le fait que leur fonction de musicien n’est pas héréditaire (au Mali, les griots sont une des quatre classes des Nyamalaka avec, notamment, les forgerons, de même d’ailleurs que chez les Malinké de Guinée. Il s’agit ici apparemment – le texte n’est pas très clair à ce sujet – de la conception peul du terme). Effectués en 1991, ces enregistrements montrent bien l’évolution des musiques paysannes, puisqu’à côté d’un riche instrumentarium traditionnel (harpes, luths, xylophones, clarinettes doubles, flûtes, sistres, calebasses et tambours) apparaissent guitares et accordéons. De plus, tous les chants interprétés sont accompagnés de leur translittération en langue vernaculaire et de leur traduction intégrale. On appréciera spécialement le jeu swinguant des flûtistes peul qui chantent dans leur instrument en même temps qu’ils en jouent. On retrouve ces joueurs de flûte traversière dans Guinée. Musiques du Fouta Djalon (Playa Sound PS 65028), ainsi que harpes et xylophones. Si les musiques sont intéressantes, ni la qualité de l’enregistrement ni celle du texte ne sont, hélas, à la hauteur de celles du CD précédent.
Guinée. Récits et épopées (OCORA C 56009) est consacré aux musiques vocales de différentes ethnies, Peul, Guerzé, Toma ou Malinké, enregistrées dans diverses régions du pays, forêt, sud-est ou Basse-Guinée. On entre déjà dans le monde polyphonique avec les chœurs de femmes toma ou les chanteurs guerzé. Batteries de tambours à fente, évoquent également les marches du monde musical bantou.
A la frontière du Mali, nous retrouvons des musiques monodiques. Guinée. Les Peuls du Wassolou. La danse des chasseurs (OCORA C 558 679) est consacré à la musique des confréries cynégétiques dont les membres avalent poignards et charbons ardents en dansant au son hypnotique de la harpe à six cordes donso ngoni. Son timbre profond est enveloppé pertpétuellement du halo sonore créé par une plaque métallique pourvue d’anneaux, fixée à l’extrémité du manche de l’instrument. La traduction intégrale des chants nous permet d’approcher le très riche univers mythique des chasseurs wassoulounké, qui permet aux seuls initiés de déchiffrer le monde phénoménal, au-delà des apparences.
Baga Guinée. Chants et percussions des femmes Baga (Buda records 92 627-2) a été enregistré à Conakry où un groupe de femmes tente de faire revivre les traditions de leur société en partie déculturée par l’islam et le christianisme. Les seize musiciennes de l’ensemble utilisent une large gamme de percussions, timbales, tambours sur pieds, tambours à fente ou hochets pour accompagner leur chant qui glorifie le rôle des femmes dans la société.
Guinée. Musiques des Kpelle. Chants polyphoniques, trompes et percussions (Inédit W 260086) a été enregistré sur la scène parisienne de la Maison des cultures du monde. Ces Kpelle sont le même groupe ethnique qui est parfois appelé Guerzé.[1] Une dizaine de musiciens interprètent de complexes polyphonies vocales ou instrumentales, ces dernières sur des trompes traversières à embouchure latérale. La polyrythmie est également au rendez-vous avec un éventail de tambours à peau, de tambours de bois, de hochets et de cloches. Cette cérémonie, le pêle, peut durer plusieurs jours et a été ici adaptée pour être présentée sur une scène européenne. Ce CD n’en est pas moins de grande qualité.
Grands solistes traditionnels
Le bala, plus connu en Europe sous le nom de balafon (déformation de l’expression bala fô qui veut dire en fait ‘’jouer du xylophone’’), a un rôle très important dans les pays qui constituaient l’ancien empire mandingue. On conserve toujours pieusement à Nyagassola, à la frontière du Mali, le Soso bala, antique instrument qui remonterait au XIIIème siècle et aurait appartenu à Soumaworo Kanté, à l’époque roi du Soso, qui gardait jalousement pour lui-même l’usage de l’instrument. « Même si une mouche se posait dessus, il la retrouvait et la tuait » dit la légende.
L’instrument que joue El Hadj Djeli Sory Kouyaté (El Hadj Djeli Sory Kouyaté. Guinée : Anthologie du balafon mandingue, volumes 1, 2, 3(Buda records 92520-2, 92534-2, 92535-2) est remarquablement proche du Soso bala, que ce soit par le nombre de ses lames (vingt) ou par son accord heptatonique[2]. Ce vieux maître traditionnel a enregistré en trois CD l’essentiel de son riche répertoire, accompagné par une flûte traversière, une clarinette double, une vièle monocorde et une harpe à trois cordes. Il s’agit là d’une somme musicale inégalée qui servira sans aucun doute de référence aux générations futures. Né en 1918, Djeli Sory Kouyaté a suivi une formation des plus traditionnelles puisque, comme son nom l’indique, il appartient à l’une des plus prestigieuses familles de griots, ce qui ne l’empêchera pas, après l’indépendance, de participer aux troupes nationales que nous évoquerons plus loin. Il a également été l’accompagnement de son cousin, Kouyaté Sory Kandia.
Celui-ci, Kouyaté Sory Kandia : L’Epopée du Mandingue, volumes 1 et 2 (Bolibana 42 037-2, 42038-2) ; Kouyaté Sory Kandia (Syllart 3820362) ; Kouyaté Sory Kandia. Tour d’Afrique de la chanson (Bolibana 76020-2) a été une des voix les plus aimées de l’ouest africain et nous avons encore pu voir l’année dernière ses cassettes (piratées) sur les marchés de Bamako. Sa mort, le 25 décembre 1977, a été douloureusement ressentie dans toute l’Afrique de l’ouest. Comme nombre de musiciens de la région, il s’est aussi bien exprimé dans un contexte très traditionnel, accompagné par son propre ngoni, le bala de Djéli Sory Kouyaté et la koraI de Sidiki Diabaté, que dans un contexte moderne avec les claviers et le saxophone de Kélétigui Traoré.
Joueurs de kora mandingues en Gambie, en Guinée, au Sénégal[3]
La Gambie est sans doute le principal foyer de grands joueurs de kora et de grands musiciens maliens comme le regretté Sidiki Diabaté étaient originaires de ce pays.
· Jali Nyama Suso : Gambie. L’art de la kora (Ocora C 580027) est l’un des premiers joueurs de kora à s’être produit aux Etats – Unis et en Europe. Son CD est particulièrement intéressant pour la variété des accordatures (quatre) qu’il y utilise.
· Salieu Suso : Griot (Lyrichord LYRCD 7418) est également un musicien gambien qui joue ici des ‘’standards’’ du répertoire traditionnel des djèli-s.
· Amadu Basang Jobarteh : Tabara. Gambian Kora Music (Music of the World CDT 129) fait également partie de la caste des djèli-s (Jobarethi est la transcription anglo-saxonne de Diabaté). Son style lyrique est proche de celui généralement pratiqué au Mali.
· Dembo Konté : Dembo Konté et Kausu Kuyateh. Simbomba (Rogue records FMSD 5011) est le fils d’Al Haji Bai Konté, qui s’est fait notamment connaître en Occident par sa participation au festival de Woodstock, alors que Kausu Kuyateh, originaire de la Casamance (au sud du Sénégal) innove en jouant des kora montées de vingt-trois ou même vingt cinq cordes au lieu de vingt-et-une cordes traditionnelles.
· La kora des griots mandingues. Kemba Sussoko. Gambie (Peoples CD 778) présente un jeune musicien qui vit à Paris. S’il n’est pas sans qualités, il paraît cependant encore un peu ‘’vert’’. Rendez-vous dans quelques années !
· The Gambia : Tan Dindin. Salam-New kora music (World Network 56981) présente la musique d’une nouvelle ‘’star’’ gambienne, dont la musique est d’ailleurs moins ‘’new’’ que ne le laisserait présager le titre du CD. Il est néanmoins excellent musicien et agréalable chanteur, même si la partie de son ne lui fait pas entièrement justice.
· La présentation, à la limite du ridicule de M’Bady et Dyaryatou Kouyaté à la Cité de la Musique, en octobre 1999, ne doit pas dissuader les amateurs d’acquérir leurs deux CD : Guinée Kora et chant du N’Gabou, volumes 1 et 2 (Buda records 92 629-2, 92 648-2) qui présentent une facette bien différente de leur art. On sera notamment séduit par les pièces interprétées avec l’étrange accord sur l’échelle hepatonique ‘’tomora’’, que M’Bady aurait appris en rêve d’une femme-génie.
· Prince Diabaté : Amara Sanob. Lamaranaa (Buda records 92578-2) est un jeune artiste guinéen qui bouscule un peu la tradition. S’il n’est pas un immense technicien, son jeu et sa manière de chanter sont cependant loin d’être dépourvus de charme.
· Djeli Moussa Diawara : Sobindo (Celluloid 66966-2) et Flamenkora (Mélodie 66999-2) est également un novateur, doté lui d’une très solide (et inventive) technique. On préférera peut-être le premier album, la mode de mettre le flamenco à toutes les sauces étant tout de même la plupart du temps assez artificielle. N’oublions pas non plus celui qui a le plus popularisé la kora à l’étranger, Mory Kanté. Le meilleur album de cet artiste guinéen, mais qui a fait la majeure partie de sa carrière au Mali et en France, est sans doute Akwaba Beach (Barclay 833119-2).
· Camara Aboubacar présente Baba Moussa (Bolibana 76093-2) est un CD dédié à un artiste guinéen qui allie avec goût les instruments et les chœurs traditionnels aux guitares et basses électriques ;
· Morikeba Kouyaté : Music of Senegal (Traditional Crossroads CD 4285) est l’un des nombreux musiciens de l’ouest africain qui ont émigré aux Etats – Unis. Originaires d’une famille de djèli-s de la Casamance, il nous propose ici un album très traditionnel, même s’il contient des compositions personnelles (on sait bien que les musiques traditionnelles n’ont jamais été figées). Sa voix expressive et les cordes de sa kora sont fort bien soutenues par un bala (on appréciera les frottements entre l’accord équiheptatonique du xylophone et ceux de la kora) et un djembé.
· Kemang Kanouté : Farafina (Koch international 322413) est aussi un musicien sénégalais, qui a débuté comme joueur de bala. Il a fait partie notamment de l’Orchestre national du Sénégal avec lequel il a fait nombreuses tournées en Europe.
· Citons également l’excellent CD du Sénégalais Kaounding Cissoko : Kora Revolution (Palm Pictures YOFFCD 0003-2), qui n’est malheureusement pas distribué en France actuellement. Réalisé avec le concours du contrebassiste afroaméricain Ilan Coreman, c’est certainement un des moments exquis du kora « moderne » (tout en étant bien ancré dans la tradition) que l’on puisse entendre.
Troupes ‘’néo-traditionnelles’’
Lorsqu’il prit le pouvoir en 1958, Ahmed Sekou Touré créa, avec son ministre de la culture Keïta Fodéba (qu’il devait faire exécuter quelques années plus tard) plusieurs troupes ‘’néo-traditionnelles’’ regroupant des musiciens de diverses ethnies.
· On ne trouve plus actuellement en CD d’enregistrements de Kanté Facelli, remarquable guitariste, célèbre notamment à l’époque pour son Kandia blues, paru dans le 33 tours Chants et danses d’Afrique, (Le Chant du Monde LDX 74381), mais quatre CD d’ensembles de cette époque viennent de sortir récemment.
· Guinée au XI. Ensemble instrumental de la Radiodiffusion nationale (Bolibana 76016-2) est uniquement consacré (en dépit de ce que pourrait laisser penser le livret) à la musique mandingue avec une grande formation comparable à celles qui existaient à l’époque au Mali, qui comprend xylophones, flûtes, harpes, luths, vièles, percussions et voix. L’enregistrement n’est pas de première qualité mais la musique est remarquable.
· Les Grands ballets d’Afrique noire sous la direction de Ahmed Tidjani Cissé (Bolibana 76094-2) présentent également des pièces malinkés interprétées par un ensemble plus réduit. L’accent est mis sur les percussions dans certaines pièces. La musique est encore de grande qualité. Signalons cependant qu’il n’y a que neuf plages sur les quatorze promises par la pochette.
· Les Ballets africains. Ensemble national de la république de Guinée. Live (Bolibana 76014-2) ont été enregistrés en public. Des polyrythmiqies alternent avec des solos de kora et des chœurs. Il s’agit encore une fois de musique malinké.
· Le Folklore et ensembles instrumentaux (Bolibana 76043-2) est majoritairement consacré à des pièces traditionnelles malinké avec notamment un excellent flûtiste traditionnel. Seules les plages 4 et 5 présentent des musiques originaires de la région forestière. De nouvelles troupes sont apparues après le décès de Sékou Touré et d’autres ont présenté. Le percutionniste français François Cokelaera a fait tourner ces groupes en Europe et participé à la production d’intéressants CD.
· La première troupe, Les Ballets africains (Buda records 82513-2, Les Ballets africains. Silo. Ensemble national de la république de Guinée (Buda records 92579-2), Les Ballets africains. Héritage. Ensemble national de la république de Guinée (Buda records 92634-2), a été créée en 1952, mais ces enregistrements datent du milieu des années 90. Ce groupe est, en fait, le prolongement de l’Ensemble Fodéba-Facelli-Moungue, fondé en 1947. La trentaine de chanteuses et chanteurs, qui sont également danseurs, sont soutenus par une dizaine de percussionnistes et les principaux instruments présents en Guinée. Chacun de ces albums nous entraîne dans les quatre principales régions musicales du pays, la Basse Guinée, le Fouta Djallon, la Haute Guinée et la région forestière. La longue expérience du groupe en fait l’un des meilleurs du continent africain. Son professionnalisme et la diversité de son répertoire n’ont pas altéré la fraîcheur des musiques.
· Second groupe important, L’Ensemble national des percussions de Guinée (Buda records 82 501-2, Ensemble national des percussions de Guinée avec El Hadj Djeli Sory Kouyaté (Buda records 92586-2), est un ensemble beaucoup plus récent, puisqu’il a été en 1988. Les musiciens, issus des ensembles préexistants, sont aussi de solides routiers et leur jeu est à la fois puissant et subtil. La présence du grand xylophoniste Djéli Sory Kouyaté apporte beaucoup au second volume.
· Deux orchestres soussou, une ethnie de la Basse-Côte Wassa : Guinée : Chants et percussions de la Basse-Côte (Buda records 92518-2) Wofa. Guinée : Percussions et chants de la Basse-Côte (Buda records 92624-2) se sont également constitués. Les jeunes musiciens de Wassa allient à un chœur un ensemble de percussions, tambours d’eau (une demi-calebasse renversée flotte dans une autre demi-calebasse emplie d’eau), tambours de bois ou à membrane, cloches, ainsi que des instruments mélodiques, bala et sanza (des lames métalliques accordées et placées sur une caisse de résonance en bois, qui sont pincées par le musicien). Wofa a une instrumentation très voisine, mais sans sanza. Ils font partie des rares orchestres guinéens connus qui ne jouent pas de la musique mandingue.
· Famoudou Kanaté et l’ensemble Hamana Dan Ba : Guinée : Percussions et chants malinké (Buda records 92727-2) est un virtuose du djembé, ce grand tambour en calice qui s’est répandu ces dernières années dans tout l’ouest de l’Afrique. Il s’est spécialisé dans la musique malinké, avec son groupe qui inclut un chœur féminin, d’autres percussionnistes ainsi que des harpistes traditionnels, dans un CD au charme très personnel.
· Mamadi Keïta et Sewa Kan : Percussions malinké. Wassoulou (fonti musicali 581159) sont également des maîtres du djembé, qui enseignent notamment en Europe. La vague en faveur de cet instrument amène d’ailleurs de nombreux apprentis percussionnistes étrangers en Guinée. Cet afflux entraîne, bien sûr, des modifications importantes dans les pratiques traditionnelles et l’apparition de prétendus maîtres en quête de devises. On peut lire avec profit un entretien avec quatre des meilleurs spécialistes de l’instrument.[4]
Les orchestres modernes
On ne connaît pas d’enregistrements d’orchestres modernes de l’époque coloniale. On sait seulement qu’à cette époque des formations comme La Douce Parisette, L’Africana Swing Band, le Harlem Band ou les Joviales Symphonies interprétaient à Conakry fox-trots, valses et musique latine.
· Sekou Touré, qui taquinait lui-même la guitare et l’accordéon, dissout ces groupes et encouragea la création d’ensembles attachés à une conception plus ‘’authentique’’ de la musique africaine. Ces orchestres jouaient également un répertoire aux paroles fortement politisées comme celles du Chemin du PDG du Bembeya (le PDG étant le Parti Démocratique Guinéen), ou bien ce véritable meeting musical qu’est le Concert-Agression du même Bembeya. Sekou Touré donna aux orchestres modernes u statut officiel, parallèlement à son soutien aux troupes néo-traditionnelles (le Mali connut une situation semblable sous le régime de Modibo Keïta).
· La Guinée comptait, à l’époque de Sékou Touré, soixante-quatre orchestres fédéraux ou nationaux, dont tous les membres étaient fonctionnaires et recevaient un salaire et un logement de fonction. De même, les instruments étaient fournis par l’Etat. Chaque orchestre avait son club attitré où il jouait tous les soirs sauf le vendredi (la Guinée est à 80% musulmane). On pouvait ainsi entendre une trentaine d’orchestres dans le seul Conakry, parmi lesquels le Bembeya Jazz National au Club Bembeya, le Syli Authentic à l’Oasis, le Camayenne Sofa à La Paillote, le Kélétigui et ses Tambourinis au Jardin de Guinée, Balla et ses Balladins à La Corniche, pour citer les plus ou moins régulièrement par la société d’état Enimas, sur le label Syliphone. De nombreuses rééditions nous permettent d’entendre une appréciable partie de ces orchestres de l’âge d’or de la musique urbaine guinéenne. La plupart de ces orchestres interprètent une musique où se mêlent influences malinké, trompettes jouant en tierces, à la cubaine et une influence du jazz, un des trompettistes du Bembeya, par exemple, jouant dans un style nettement influencé par Cootie Williams. Les excellentes relations qu’entretenaient Cuba et la Guinée permirent également d’envoyer des musiciens guinéens, à commencer par ceux du Bembeya se former sur place à la musique cubaine.
· Compilations guinéennes. Pleins feux sur les artistes du peuple (Bolibana 76153-2) présente des orchestres modernes de la région forestière comme l’Orchestre fédéral de Macenta, mais aussi des groupes mandingues peu connus, à côté du célèbre Bembeya ou des Virtuoses Diabaté, deux joueurs de guitare acoustique au jeu lyrique, alliant intelligemment les influences cubaines à la musique mandingue.
· Nous retrouvons la plupart des orchestres de l’époque dans Guinée. 40e anniversaire. Volumes 1 et 2 (Syllart 38201-2, 38202-2), avec en prime une curiosité : une plage en concert de Myriam Makeba (alors exilée en guinée en compagnie de son mari, le militant Black Panther Stokely Carmichael), qui chante en malinké.
· Suit toute une série de rééditions année par année de la série Discothèque : Discothèque 70 (Syllart 38208-2), Discothèque 71 (Syllart 38209-2), Discothèque 72 (Syllart 38213-2), Discothèque 74 (Syllart 38211-2), Discothèque 75. Artistes du peuple (Syllart 38212-2) Discothèque 76 (Syllart 38214-2). On y retrouve les mêmes orchestres, à prépondérance malinké et il est difficile de conseiller un album plutôt qu’un autre.
· Les Amazones de Guinée : Au cœur de Paris et M’Mah Sylla, le rossignol de Guinée. (Bolibana 42076-2), les « tigresses des planches », selon l’expression de Justin Morel Junior, dont la prose aussi fleurie qu’enflammée a enchanté les amateurs, tant africains que toubabs, dans la plupart des textes de pochettes des vinyls Syliphones originaux, ont été le premier orchestre féminin du continent. C’était à l’origine l’orchestre de la Gendarmerie nationale. Les trois drnières plages sont consacrées à la voix pleine de charme de M’Mah Sylla, une des « gendarmettes » qui avait tenté une carrière de soliste.
· L’orchestre le plus fameux a cependant été le Bemeya Jazz National. 10 ans de succès (Bolibana 42024-2, Bembeya Jazz National présente Regards sur le passé (Bolibana 42064-2), Authenticité 73. Bembeya Jazz National. Défi et continuité (Syllart 38217-2), Bembeya Jazz National de Guinée. Etape nouvelle. Concert agrssion (Bip musique BIP 151). On peut conseiller comme première acquisition les deux premiers albums où chante Aboubacar Demba Camara, véritable idole de toute l’Afrique de l’ouest et dont la mort dans un accident de la circulation à Dakar en 1973 plongea la Guinée dans un deuil national. 10 ans de succès est un excellent concert d’un Bembeya au mieux de sa forme, précédé d’une délirante introduction parlée (le lyrisme mandingue donne parfois de curieux résultats lorsqu’il est transposé en français). Regards sur le passé mêle de manière harmonieuse passages chantés en malinké avec un orchestre traditionnel, les cuivres et les cordes électrifiées habituels et un narrateur qui conte (en français) de manière émouvante l’épopée de l’Almamy Samory Touré qui résista vaillamment aux troupes coloniales françaises du général Gouraud à la fin du XIVe siècle. Trois morceaux en bonus par rapport au microsillon nous permettent de goûter la virtuosité du guitariste Sékou ‘’Diamond Fongers’’ Bembeya.
· Camayenne Sofa : La Percée (Syllart 38215-2) et Fodé Conte : Empire soussou. Rio Pongo (Bolibana 76032-2) sont des artistes soussou, un peuple de langue mandé, renommé pour ses joueurs de bala.
· Kélétigui et ses Tambourinis : Bébé (Bolibana 76030-2), l’Orchestre de la Paillote : Kélétigui Traoré. Volume 1. 1960 (Syllart 38216-2), l’Orchestre du Jardin de Guinée (syllart 38218-2) et Sabré Soumano : Moussoulou Bolibana BIP 108) témoignent également de la vivacité de la scène guinéenne de l’époque. Les deux premiers CD mettent en valeur le saxophone ténor rugeux de Kélétigui Traoré. Sabré Soumano, quant à elle, chante dans le style des djèlimousso-s, d’une voix puissante et expressive, accompagnée par un orchestre acoustique d’où émerge un délicat accompagnement au bala.
· Kaloum Star : Feleuko (Buda musique 82933-2)est le dernier-né des orchestres de la période de Sékou Touré. On peut noter dans sa musique des influences de l’afrobeat nigérian.
· Momo Wandel : Soumah. Guinée. Matchowé (Buda records 92653-2) est l’un des rares saxophonistes solistes guinéens. Accompagné par un orchestre acoustique où domine le bala, il interprète ici notamment une bien curieuse version de l’Afro Blue de John Coltrane.
· Les African Virtuoses : Nanibali. Balade sur la lagune. Instrumental (Bip musique BIP 156), les frères Diabaté, allient deux guitares volubiles dans une musique légère dont l’aspect à la limite de la variété recèle pourtant beaucoup de musicalité.
Les productions récentes de musique guinéenne semblent actuellement plutôt axées sur un retour aux sources et les éditions de CD d’orchestres utilisant des instruments européens semblent être de plus en plus rares, les soutiens étatiques aux orchestres appartenant désormais au passé. C’est un phénomène parallèle à la situation au Mali où les productions sont également devenues une affaire privée.
Le monde musical mandingue est cependant d’une extrême richesse et d’une grande vitalité. On peut parier, sans prendre de risques excessifs, qu’il n’a pas fini de nous surprendre et de nous charmer.
HENRI LECOMTE, in Ecouter Voir, n°102/103, Juin - Juillet 2000
[1] On ne saurait d’ailleurs être trop circonspect sur ces questions d’ethnie et on peut conseiller à ceux qui s’intéressent à ce sujet la lecture du livre de Jean-Loup Amselle et Elikia M’Bokolo : Au cœur de l’ethnie. Ethnie, tribalisme et Etat en Afrique, La Découverte/Poche, Paris, 1999.
[2] L’accord équiheptatonique divise l’octave en sept parties égales, un peu plus petites qu’un ton de l’éhelle chromatique tempérée. Lorsque les joueurs de kora jouent avec un bala ainsi accordé, ils ‘’négocient’’ généralement l’accord de leur harpe, pour atténuer les ‘’frottements’’. On peut également entendre des échelles équiheptatoniques dans d’autres régions d’Afrique, par exemple chez les Chopi du Mozambique, mais aussi en Asie du sud-est et en Indonésie.
[3] Pour ceux qui veulent en savoir plus sur la kora, on peut conseiller les excellents articles (en anglais) de Lucy Duran, qui enseigne à la London University’s School of Oriental and African Studies. Cf., par exemple, le « Grove Dictionnary of Musical Instrumental » ou « World Music : The Rough Guide», vol. 1, de la nouvelle edition de 1999.
[4] Vincent Zanetti : Les maîtres du jembe. Entretiens avec Fadouba Oularé, Famoudou Konaté, Mamady Keïta Coulibaly, in Cahiers de musiques traditionnelles 12, Ateliers d’ethnomusicologie, Genève 1999.
18 juillet 2007 à 08:01
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